« Et puis je vois encore un grand appartement presque vide à Bruxelles. Avec juste une femme souvent en peignoir. Une femme qui vient de perdre son mari. C’est drôle je ne vois pas cette femme dehors pourtant elle sort parfois, elle marche dans la rue, elle attend le tram. Je la vois surtout au téléphone et devant sa télévision couchée dans un divan avec parfois un journal devant elle. Quand elle parle au télé-phone, elle parle très fort et avec un enjouement qui sonne souvent faux mais parfois vrai. Ce soir vendredi elle ne sera pas chez elle. Non, elle passera une soirée en famille. […] »
extrait de « Une famille à Bruxelles »
Par la fenêtre d’un appartement à Bruxelles, une femme apparaît, souvent vêtue d’un peignoir et drapée dans ses souvenirs. Elle vient de perdre son mari. Alors elle passe beaucoup de temps au téléphone, pour parler à ses filles, l’une à Ménilmontant, l’autre en Amérique, à sa famille dispersée à travers le monde. Dans ce dédale de voix entrelacées, elle évoque ce vide qui l’enserre, avec la délicatesse d’une fugue musicale, comme un bruissement de mémoires. Au-delà de l’imprononçable nom de la Shoah et du mutisme des survivants, elle raconte une solitude indicible et les petits arrangements avec la vie. Des souvenirs qui « font du bien aux os », au milieu des banalités et des rires du quotidien.
Récit de deuil sublimé par la parole, Une famille à Bruxelles est une conversation intime avec une mémoire familiale à livre ouvert.
(Première parution en 1998)