The archives of Chantal Akerman and Paradise Films

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Jeanne Dielman

Jeanne Dielman n’a rien de commun avec l’ancien néo-réalisme de Roberto Rossellini ou de Vittorio de Sica : ni Paisa ni Umberto D. Chantal Akerman reprend le cinéma là où l’avait laissé Antonioni dans l’Avventura et fait un crochet du côté de l’avant-garde américaine qu’elle a bien connue à New-York : Andy Warhol, Michael Snow, lui ont enseigné cet art de lire dans la banalité du familier, de mettre en évidence l’usure du temps ; elle revient dans la vieille Europe du cinéma littéraire, de Marguerite Duras, de Robbe Grillet. Elle ne cherche même pas à écrire un roman, elle couche directement sur pellicule ses fantasmes, sa propre révolte.

Jeanne Dielman n’est qu’en apparence un film dur, difficile : d’une limpidité presque impudique, il nous invite à remettre en question toute notre perception du quotidien, à retrouver ces pulsions secrètes qui travaillent dans l’ombre notre société. Jeanne Dielman est un poème ; on ne saurait dissocier dans cette réussite exceptionnelle la part de l’auteur, celle de Delphine Seyrig, qui joue Jeanne Dielman, celle de notre compatriote Babette Mangolte, qui tient la caméra. Certainement le premier chef-d’oeuvre au féminin de l’histoire du cinéma.

Louis Marcorelles, Comment dire chef-d’oeuvre au féminin, in Le Monde, 22.01.1976